L’interview de Emilia, en Argentine
Emilia, 24 ans, a décidé de changer d’air et s’est expatriée en Argentine. Elle nous raconte ses impressions et sa vie là bas !
Où est-ce ?
Il s’agit de Caminito, quartier de la Boca, en Argentine.
Emilia est l’auteure des photos publiées sur cette page.
Découvrez son interview
Carte d’identité
Prénom : Emilia / Chmily
Age : 24 ans
Situation professionnelle : Production et diffusion de spectacle vivant entre l’Europe et l’Amérique Latine / Etudiante en mise en scène à l’IUNA (Instituto Universitario Nacional del Arte)
Pays et ville d’origine : Ile-de-France – Vincennes
Pays et ville d’accueil : Argentine – Buenos Aires
Type et durée du visa : PVT (1 an non renouvelable) à l’arrivée et désormais Visa étudiant (1 an, renouvelable)
Date de début d’expatriation : 6 février 2013
Blog : http://chmilyenargentina.wordpress.com/
Présentez-vous ?
Je suis une femme, j’ai 24 ans, ma mère est Française et mon père Grec. Je viens de la banlieue parisienne, avec de la famille en Bourgogne et en Grèce. Je travaille actuellement au développement d’un projet d’entreprise de production/diffusion de spectacle vivant entre l’Amérique du Sud et l’Europe et à côté de ça j’écris pour le journal en ligne Buenos Aires Connect et je fais des petits boulots par-ci par-là également. Je suis aussi étudiante en mise en scène à l’IUNA Dramaticas (Instituo Universitario Nacional del Arte) de Buenos Aires.
Quelle est l’adresse de votre blog ?
http://chmilyenargentina.wordpress.com/
Comme tout le monde ou presque j’ai commencé mon blog pour raconter à mes amis et à ma famille mon séjour en Argentine, et aujourd’hui j’essaie de m’adresser à un « public » plus large avec qui je partage mes réflexions sur l’expatriation et la vie en Argentine.
C’est un très bon médium pour réfléchir, cela m’oblige à mettre par écrit des réflexions personnelles qui peuvent être parfois confuses et du coup à mieux penser ma place d’expatriée européenne dans un pays comme l’Argentine, de partager ce qui me passe par la tête, les grands changements qui m’arrivent et puis cela permet de garder une trace pour plus tard. Et surtout de partager tout ce qui m’arrive.
Où vivez-vous actuellement ?
Je vis à Buenos Aires, en ce moment dans le quartier de Villa Urquiza mais j’ai déménagé déjà plusieurs fois depuis mon arrivée et je dois encore déménager dans les mois à venir. C’est souvent comme ça ici, difficile de trouver un logement de façon durable. Je suis partie en PVT, après avoir finies mes études en France, je suis venue sans rien de prévu, si ce n’est suivre des cours de théâtre au Sportivo Teatral, ce que j’ai fait. Le visa PVT est valable un an, mais je ne me suis jamais fixée de date de retour, je n’en ai toujours pas, mais désormais j’ai changé mon visa pour un visa étudiant.
J’avais déjà vécu un an en Grèce de mes 8 à 9 ans, rien de plus, donc oui c’est un peu ma première fois à l’étranger.
Votre vie avant votre expatriation
Comment était votre vie dans votre pays d’origine ?
J’étais étudiante, j’ai fait un master de théâtre à la Sorbonne-Nouvelle, d’abord théorique puis professionnel. La dernière année je me suis spécialisée en administration et production de spectacle vivant. Donc je passais beaucoup de temps à aller au théâtre et je vivais à Paris, j’étais boursière dans un logement du crous merveilleusement bien situé (à côté de la Place de la Contrescarpe !). Et bon j’avais un quotidien d’étudiante, cours, études, amis, sorties…
Pour quelles raisons vous êtes vous expatrié ?
C’est la question qui tue. Vraiment pleins de raisons, sans doute certaines inconscientes encore, mais pas pour un meilleur niveau de vie au niveau économique, c’est sûr. Disons que j’étais fatiguée de l’esprit parisien, où l’on juge tout et tout le temps, de la vie parisienne, où tout est très cher, que je ne voyais aucunes opportunités de travail attrayante dans ma branche, que de toute façon je n’avais pas tellement envie après toutes ces années d’études non stop de me mettre à la recherche d’un CDD puis d’un CDI qui m’emmènerait en ligne droite vers la retraite, je me sentais coincée, obligée de suivre un chemin déjà tracé ; j’avais aussi le désir de partir à l’étranger, de découvrir d’autres cultures, de pratiquer mon espagnol, de sortir de ma zone de confort, de découvrir l’Amérique Latine, de faire du théâtre pour de vrai, de vivre de nouvelles expériences… Bref, j’avais besoin d’air.
Votre vie à l’étranger
Comment s’est passé votre départ ?
Une fois que j’ai pris la décision de partir en Argentine, je me suis énormément renseignée sur la vie à Buenos Aires, en lisant des blogs, des sites, etc. Au début j’avais la même idée clichée que tout le monde, la Boca et le tango, les gauchos dans la pampa, puis en lisant des blogs (dont celui de Fanny, interviewée ici) je me suis rendue compte que c’était autre chose, plus complexe, mais plus je lisais des témoignages plus j’avais envie de partir et le choix de la destination est devenu une évidence. (Au début, je pensais partir en Allemagne, en Espagne ou en Italie…)
Je suis partie avec 2 valises, une en soute et une valise cabine, donc pas grand-chose… surtout des vêtements, quelques livres et carnets et mon ordi (qui m’a évidemment lâchée depuis). Ensuite quand j’ai reçu des visites à chaque fois j’ai demandé qu’on me ramène des choses que je n’avais pas pu emmener.
En partant, je n’avais pas grand-chose de planifié mais j’avais délibérément laissé beaucoup de choses au hasard, et au moment de partir j’étais étonnée de n’être pas plus paniquée, et même assez sereine. Bien sûr j’étais triste dans l’avion, mais c’était aussi excitant de partir pour l’aventure.
Comment se sont passées les premières semaines sur place ?
J’ai eu beaucoup de chance car avant mon départ Renzo, un Argentin du site couchsurfing, m’a proposé de m’héberger le temps que je trouve un logement, il a été mon guide sur place, m’a fait découvrir la ville et ses coutumes, m’a présenté sa famille (adorable) et m’a logée gratuitement pendant 3 semaines ! Ensuite j’ai été chez un autre couchsurfer à Vicente Lopez pendant une semaine puis je me suis installée dans le quartier de San Telmo dans une coloc/pension où j’ai aussi connu plein de gens sympa et où je suis restée environ 9 mois.
Mais dès que je suis arrivée à Buenos Aires je me suis sentie chez moi de toute façon.
Et je parlais déjà espagnol avant de venir, j’avais regardé des films et des telenovelas débiles pour m’habituer à l’accent argentin et une fois dans le bain ça a été vite même si je continue chaque jour à découvrir de nouvelles expressions typiques !
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre vie à l’étranger ? Qu’est-ce qui vous plaît moins ?
Je crois que le fait de vivre dans un autre pays et avec un autre niveau de vie est une expérience très enrichissante et sans doute la meilleure des écoles. Cela apprend à relativiser et arrêter de se croire le centre du monde. On sort de son confort et de son inconscience et je ne crois pas qu’il y ait de retour en arrière !
Ce qui plaît le moins ? Le sentiment de s’éloigner de ceux qui sont restés en France, l’impossibilité de partager vraiment avec eux tout ce qu’on vit, les bonnes comme les mauvaises choses. On est obligé de faire avec la solitude, ce n’est pas toujours facile.
Par rapport à votre pays d’origine, qu’est-ce qui est mieux, qu’est-ce qui est moins bien ?
Ah les rapports avec le pays d’origine… c’est compliqué… Ce qui est mieux à Buenos Aires : la mentalité des gens, l’optimisme, la positivité, la créativité, la liberté, la chaleur humaine, la curiosité…
Ce qui est moins bien que Paris : sans doute matériellement beaucoup de choses, à commencer par le réseau de métro/train ou la nourriture, mais après la question c’est toujours de savoir si le confort matériel fait le bonheur…
Les caractéristiques de votre pays d’accueil
- La mentalité des locaux
Les gens sont beaucoup plus positifs, d’ailleurs il existe ici l’expression « buena onda » qui n’existe pas en français, leur philosophie est souvent « c’est pas grave, il y a pire » et ça aide énormément de penser comme ça, c’est l’inverse de la mentalité parisienne. Ils sont aussi plus généreux, il y a plus d’entraide, par exemple les gens laissent vraiment leur place dans le bus et le métro aux personnes âgées ou aux femmes enceintes, ils n’hésitent pas à applaudir et donner quelques pesos à ceux qui jouent de la musique dans le métro, même si ils n’ont rien ils sont prêts à aider, c’est des petites choses, mais ça change vraiment la façon de voir le monde et les autres.
- Le climat
Un peu bizarre, mais plus sympa qu’à Paris même si l’été à Buenos Aires est horrible (il fait très chaud, humide, lourd et pourtant le ciel est gris). Le reste du temps, le temps est plutôt doux avec beaucoup de ciel bleu et de soleil, mais il peut faire assez froid, ça change vite. Et aussi il y a souvent de gros orages ! Et quand il pleut beaucoup, tout s’inonde…
- Le logement
Pour les étrangers, sans garanties, les solutions sont plus restreintes. Cela dit il existe pas mal de colocations/pensions pour les étrangers, où l’on peut louer une chambre à un prix relativement correct (enfin en faisant attention, car beaucoup pratiquent des prix pour « touristes » assez abusifs, donc mieux vaut connaître l’ordre des prix selon les quartiers). Mais de manière générale c’est difficile de trouver un logement « stable », d’ailleurs c’est que je cherche en ce moment et je n’ai pas encore trouvé. Je connais beaucoup d’étrangers qui ont déjà déménagés des tas de fois depuis leur arrivée. Moi-même si je compte mes séjours en couchsurfing, j’en suis à mon cinquième logement (à chaque fois dans un quartier différent), et je cherche le sixième…
- La nourriture
J’ai été très déçue par la nourriture argentine qui n’est pas du tout variée. La viande est bien sûre très bonne, les glaces à « l’italienne » et j’adore aussi les empanadas mais à part ça, c’est très répétitif et sans subtilités… Impossible de trouver du bon poisson, du chocolat, du fromage, en fait tous les produits qui ne sont pas argentins sont durs à trouver, ou chers. Les restau « ethniques » manquent aussi cruellement…
- La santé
La santé est gratuite via les hopitaux mais il faut faire la queue pendant des heures pour avoir un rdv, sinon quand on a un travail légal on a une « obra social » sorte de sécu qui dépend de notre boulot et qui rembourse une partie des frais.
- Ce qui coûte cher / ce qui ne coûte pas très cher
Tout est relativement cher, et ça augmente constamment, les prix se rapprochent dangereusement des prix français (mais pas les salaires bien sûr). Quelques trucs encore pas trop chers par rapport à la France : les taxis, le bon vin, la viande…
L’inflation est vraiment visible.
Avez-vous des habitudes ?
Boire le maté ! Je suis devenue accro… Et être patiente et arrêter de râler tout le temps, enfin j’essaie, ça ne marche pas toujours. Être plus « tactile » aussi, ici on fait plus facilement des calins et des bises à tout le monde, pour dire bonjour, au revoir, etc.
Est-il facile de partir en weekend ?
C’est une des choses qui manquent beaucoup à Buenos Aires … difficile de faire une vraie escapade pour le week-end, une fois qu’on a vu San Antonio de Areco et Tigre, il ne reste pas grand-chose et tous les paysages magnifiques dont l’Argentine regorge sont au moins à une dizaine d’heures de bus…
Votre adaptation
Avez vous rencontré facilement les « gens du pays » ?
Oui, dès le début j’ai été hébergée en Couchsurfing par des argentins, puis j’ai rencontré des gens dans ma coloc, mes cours de théâtre, etc. Mais surtout beaucoup d’étrangers, c’est le lot de l’expatrié j’imagine.
Voyez vous / côtoyez vous d’autres personnes de votre pays d’origine sur place ?
Oui, j’ai quelques amis français ici.
Vous êtes-vous facilement adapté ?
Oui, je trouve.
Connaissez-vous la langue du pays ?
J’avais suivi des cours d’espagnol depuis le collège même si je ne l’avais jamais trop mis en pratique, j’ai « révisé » en regardant films et série avant de partir c’est tout. J’essaie de faire attention à avoir un bon accent.
Votre lien avec votre pays d’origine
Face à quelle mentalité/habitude/défaut de votre pays d’origine êtes-vous plus clément, avec le recul d’habiter à l’étranger ?
Je ne suis pas tellement plus clémente avec la France, au contraire, plus je vois tout ce qu’on a, plus cela m’énerve qu’on soit si négatifs. Si, peut être une chose, l’administration, c’est encore pire ici…
A quelle fréquence rentrez vous dans votre pays d’origine ?
Je ne suis pas encore rentrée, mais j’irai en septembre de cette année, ça fera 1 an et 9 mois.
Avez vous des contacts réguliers avec votre entourage resté dans votre pays d’origine ?
Oui via skype et facebook, et puis j’ai reçues plusieurs fois des visites depuis mon arrivée. Mais bien sûr, mon entourage me manque.
Avez vous prévu de revenir vivre dans votre pays d’origine un jour ?
Un jour oui, mais ça sera sans doute pour repartir ailleurs. Je crois que j’ai attrapé le virus de l’expatriation.
Conclusion
Avez-vous grandit ou évolué depuis votre départ ?
Enormément. J’ai l’impression d’être beaucoup plus ouverte sur plein de choses et plus consciente de ce qu’il se passe, d’où je viens, de qui je suis, de ce que je veux… Et je crois que je commence seulement à me rendre compte de l’étendue et de la complexité des systèmes dans lesquels j’évolue et ça remet beaucoup de choses en perspective… Quand je parle de systèmes je parle de culture, d’économie, de couleur de peau, de sexe, de toutes les normes qu’on intègre sans les questionner. Je parle pas mal sur mon blog du rapport qu’ont les Argentins à l’Europe car je crois que bizarrement ça raconte plein de choses sur notre histoire en tant que Français et ça me questionne énormément. Vivre dans un pays supposément « machiste », « raciste » et « en développement » est une expérience qui me fait voir autrement la France, qu’avec le recul je trouve beaucoup moins avancée qu’on ne le dit en matière de droits. J’aimerai trouver le temps d’écrire plus sur ces sujets pour mon blog.
Avez-vous des conseils pour les futurs-expatriés ?
Partez !!!! C’est une expérience incroyable, surtout partir dans un pays ayant une culture / qualité de vie différente, partir de l’autre côté du « développement » pour remettre en question la notion même de développement. A part ça, quelque soit le pays je crois que ça nous fait grandir.
Comment vous voyez-vous dans le futur ?
Je ne sais pas, j’ai 3000 projets différents, à commencer par celui de la boîte de diffusion qui est en fait une excuse pour continuer à voyager. Mais si ça ne marche pas j’ai plein de projets de reconversion, certains absurdes, d’autres non. Ce que je sais, c’est là où je ne me vois pas.
Dans quel coin du monde rêvez-vous de vivre ?
Il y en a tellement ! J’aimerai beaucoup vivre en Espagne, retourner en Irlande, en Italie… je rêve aussi de connaître tous les pays de l’Amérique Latine, le Canada, la Nouvelle-Zélande… Et bientôt je pars en Corée, que j’ai hâte de découvrir, c’est le pays de ma belle-sœur !
Où aimeriez vous vivre une fois que vous serez à la retraite ?
Si j’arrive à la retraite… dans un coin de campagne de France avec mon potager et une maison à retaper, dans un village d’Espagne à réparer des motos, sur la route dans un camping-car ou dans un avion à voyager tout le temps et aller repérer des spectacles aux cinq coins du monde !
Retrouvez Emilia sur son blog
Le blog de Emilia : http://chmilyenargentina.wordpress.com/
Remerciements
Merci à Emilia d’avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions et d’avoir partagé avec nous sa vie en Argentine !
Vous avez des questions ?
Si vous souhaitez poser des questions à Emilia sur son interview, n’hésitez pas à lui laisser des commentaires sous cet article. Elle se fera un plaisir d’y répondre !
Vous souhaitez participer ?
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El caminito à Buenos Aires, Argentinaaa!
Argentine ?
La boca à Buenos aires en Argentine
Argentine
Moi j’aurais dis Bresil mais je vois que tout le monde à l’air d’accord 😉
Et ils parlent portugais au Brésil, pas espagnol 😉