L’interview de Cécile, un an plus tard aux États-Unis
Il y un an, Cécile nous parlait de sa vie aux États-Unis.
Aujourd’hui, nous revenons vers elle pour savoir ce qu’elle devient.
Habites-tu toujours aux États-Unis ?
J’habite toujours à Nola, mon petit coin de Louisiane irréel. Et j’ai encore et toujours cette même impression de vivre une chose un peu folle et un peu chouette quand j’arpente ses longues avenues infinies avec mon vélo cruiser.
Je viens par contre de déménager ma vie, qui a grandi de deux valises à dix cartons, pour avoir ma maison de poupée rien qu’à moi, sans colocataire. Une bouffée d’oxygène qui me fait découvrir, en plus, un nouveau quartier.
Qu’y fais-tu aujourd’hui ?
Je suis toujours professeure au Lycée Français, et je m’y plais plutôt bien. Enseigner à un public non francophone ajoute, pour moi, une dimension très intéressante au métier. En même temps, comme j’y passe environ 50 heures par semaine, mieux vaut y trouver un certain plaisir, au delà des discussions avec les collègues en cour de récréation. Je ne pensais pourtant pas pouvoir résister longtemps au rythme américain infernal, mais finalement il faut croire que le corps s’habitue à tout. Je peux même profiter maintenant de mes soirées et veiller jusqu’à … 21h30.
Mon blog (et mon boulot d’instit) a également été un tremplin insoupçonné pour mes envies d’écriture. Un soir d’énervement post-école, j’ai écrit un billet d’humeur sur le métier, qui a eu un effet boule de neige. Des milliers de lecteurs et des centaines de réactions, plus ou moins (voire pas du tout) amicales. Certains me conseillant d’ailleurs de quitter la France pour ouvrir mon petit cerveau étriqué au monde. La fréquentation de mon blog a depuis bien augmenté, et j’y consacre beaucoup d’heures. Avant 21h30, évidemment.
Tout cela, mêlé aux encouragements de mes amis, m’a donné l’envie et le courage de me lancer dans l’aventure de mon premier livre (à découvrir ici).
Aujourd’hui, qu’est-ce qui te plait dans ta vie à l’étranger, et qu’est-ce qui te plait moins ? Penses-tu t’être habituée aux choses qui te gênaient il y a un de cela ?
J’aime l’idée que les week-ends sont de mini-vacances. J’aime le fait que les dimanches ne sont pas tristes. J’aime cette envie de découvrir toujours un nouveau lieu. J’aime ne pas comprendre le chauffeur de bus et lui sourire bêtement. J’aime la caissière qui est réellement intéressée par ma journée. J’aime les innombrables occasions de porter des perruques. J’aime les compliments spontanés et sincères au hasard d’une rue. J’aime la banalité de la loufoquerie. J’aime me sentir chez moi et pourtant ailleurs.
Je n’aime pas commencer le travail à 7h30. Je n’aime pas le Corn Syrup qui va dans mes cuisses. Je n’aime pas l’excès de climatisation dans les restaurants. Je n’aime pas ne pas comprendre un film au cinéma. Je n’aime pas que mes trois courses soient dans quinze poches. Je n’aime pas les gros cafards qui volent dans ma cuisine. Je n’aime pas les télés, partout, tout le temps. Je n’aime pas les matchs de football américain. Je n’aime pas l’idée que ça finira.
Et je ne m’habituerai je crois jamais aux armes, à la religion et au patriotisme. Mais n’en venez pas à critiquer New Orleans, ou je pourrais paradoxalement me sentir très agressée.
As-tu découvert d’autres choses qui te plaisent dans ce pays ? Et qui ne te plaisent pas ?
La première année, j’étais dans la découverte et l’émerveillement de tout. Il fallait en faire un maximum, ne rien rater, tout tester, voyager partout et tout le temps.
La deuxième année, je suis plus sur un rythme pépère, j’accepte de ne parfois rien faire, je comprends mieux les situations et les réactions, et j’ai mes petites habitudes.
En étant quotidiennement dans un environnement étranger, on est quand même sans cesse confrontés à des différences de culture, qui surprennent, agacent ou interrogent. Je découvre donc très souvent des choses qui me plaisent ou me déplaisent, et c’est ce va-et-vient entre « je ne pourrais jamais vivre ici » et « je ne pourrais jamais partir d’ici » que j’adore.
Est-ce qu’un an de plus te donne l’impression d’être encore davantage intégrée ?
Indéniablement, oui. L’anglais est déjà beaucoup moins un obstacle, même s’il y a encore des petits (et grands) moments de solitude. Mais on apprend à les vivre avec relativisme.
Je comprends également mieux la culture locale – Halloween, Mardi Gras, les Indiens… – pour l’avoir déjà vécue une fois, et je sais donc à quelle folie m’attendre. Ça permet d’être un peu fou comme eux, sans avoir peur du ridicule et de l’inconnu, mais le chemin est long ! Mon objectif pour l’année prochaine est d’entrer dans une parade, l’essence de New Orleans, pour la vivre de l’intérieur.
Quel est ton bilan général de cette année passée ?
J’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs années en une année. Je suis passée par des ressentis très différents. J’ai été sur mon petit nuage où la vie était merveilleuse au pays de Nola. J’ai été dans ma ferme au fin fond de la forêt parce que j’étouffais dans l’effervescence de la ville. J’ai été sur mon bateau de croisière, avec mes amis et mes habitudes.
Tout cela pour finalement repartir avec le sourire pour une nouvelle année, parce que je ne suis finalement pas prête à savoir what it means to miss New Orleans.
Merci pour ces réponses et bonne continuation !
Merci beaucoup pour ce témoignage vraiment complet, j’ai pris un réel plaisir à vous lire